Bilinguisme : l’Alsace n’est pas sortie de l’auberge
Cet été a été ponctué par la polémique de l’enseignement bilingue français-allemand en Alsace, et de l’abandon des engagements de l’État.
En dépit des protestations des associations impliquées dans ce dossier et des réactions d’indignation convenues de la part de quelques élus, l’affaire est aujourd’hui pliée. Mme Armande Le Pellec-Muller, recteur d’Académie et MM. Richert, Kennel et Buttner, présidents du Conseil régional et des Conseils généraux, sont tombés d’accord : on expérimente l’abandon du cursus bilingue paritaire de 12 heures et on réduit à 8 heures l’enseignement en allemand.
L’État demande, nos élus consentent
Il y a eu beaucoup de déclarations faites ces derniers mois, mais rien n’y a fait, le Recteur a réussi à imposer sa mesure de restriction budgétaire, au détriment des intérêts de l’Alsace. Le plus attristant, c’est que cela a été fait avec le consentement des responsables politiques alsaciens et même avec l’accord des associations – subventionnées – censées défendre et promouvoir l’enseignement bilingue paritaire.
Alsatian pride
Récemment, quelques personnes ont néanmoins entrepris une action de protestation qui ressemble à un combat d’arrière-garde. Une motion diffusée par internet nous apprend que début octobre aura lieu l’Alsatian pride. C’est le titre de la motion. Il faut comprendre : Marche pour la dignité alsacienne. Titrer en anglais un appel pour sauver le bilinguisme français-allemand, ça il fallait oser le faire ! Si c’est de l’humour, il est de très mauvais goût. Mais en fait il s’agit plus sûrement d’un effet de la pensée conforme et de la parole soumise.
Le préfet n’en dort plus
Les organisateurs font certes preuve de bonne volonté, mais aussi de grande naïveté. Vouloir organiser entre le 9 et le 16 octobre des défilés dans une quinzaine de villes différentes sur un thème qui ne touche directement qu’une partie des Alsaciens, c’est s’assurer un échec cuisant dont pourront se prévaloir le recteur et tous les opposants à l’enseignement bilingue paritaire précoce français-allemand. Des manifestations dans toute l’Alsace ? Bigre, le Préfet n’en dort plus la nuit !
Marches pour la dignité ? Vraiment ? La seule attitude digne – et efficace – est de contraindre MM. Richert, Kennel et Buttner à suspendre le versement annuel de 3 millions d’euros par les collectivités alsaciennes à l’État, versement qui correspond à une prise en charge partielle, mais injustifiée, du coût de l’enseignement bilingue. Car évidemment, très peu d’Alsaciens savent que l’Alsace est la seule des régions françaises pratiquant l’enseignement bilingue à devoir co-financer ce qui relève partout ailleurs de la seule compétence de l’État. Et si ça ne suffit pas, il ne faudra pas hésiter à porter le litige devant le Tribunal administratif.
Au Tribunal administratif en cas de rupture de contrat
Il est temps de mettre fin aux petits arrangements entre les présidents de collectivité et les services de l’État sur le dos des contribuables alsaciens et de leurs enfants.
Les randonneurs du bilinguisme se trompent d’adversaire : ils doivent s’en prendre d’abord à MM. Richert, Kennel et Buttner, et non pas au recteur d’académie. Ils se trompent aussi de calendrier : c’est dès l’annonce de la rupture de convention qu’il fallait réagir et non pas attendre que la rentrée scolaire ait eu lieu.
Tout cela n’est pas sans rappeler l’affaire du synchrotron. Défilé inutile ; mais au moins il y a avait du monde dans les rues de Strasbourg.
On en revient toujours à la même question. Tant que l’organisation du système éducatif ne sera pas déléguée à la Région, tant pour l’adaptation de certains programmes que pour la nomination des chefs d’établissements, l’État fera comme il a toujours fait : il imposera les décisions du ministère de l’Éducation nationale.